Tout le monde s’en souvient : le célèbre rapport de l’Académie de médecine américaine publié en 1999 "To err is human" (Khon et al 1999) avait fait l’effet d’une bombe. Il estimait par extrapolation (un peu au "doigt mouillé") de 40 à 80 000 décès par an aux États-Unis, liés à des erreurs de diagnostic ; soit la seconde cause de décès du pays après les accidents de la route. Presque 25 ans plus tard, une série de contributions scientifiques mieux étayées essaie de réajuster les chiffres produits à l’époque.
Les chiffres estimés sont plutôt de 795 000 (598 000 à 1 023 000) diagnostics erronés/an pour les seuls États-Unis, avec 371 000 décès associés et 424 000 handicaps provoqués (Marang-van de Mheen 2023, Newman-Toker 2023). Même une approche ultra prudente et minimaliste trouve encore de l’ordre de 549 000 problèmes graves/an, associés à des mauvais diagnostics aux États-Unis.
Les 5 pathologies les plus contributives aux erreurs de diagnostic sont :
• l’AVC,
• les infections,
• les pneumonies,
• les cancers du poumon,
• les thrombophlébites.
Elles concentrent 37,8 % du total des erreurs commises.
Tous ces chiffres sont des extrapolations, qui pourraient continuer à être fortement sujettes à doute (Shojana, Dixon-Woods, 2017).
Côté positif, on peut dire que depuis 1999, les techniques statistiques d’extrapolation se sont fortement améliorées, et les bases de données fortement agrandies et normalisées. Les analyses et études publiées se sont multipliées, locales ou nationales, ciblées sur une pathologie donnée ou transversales.
Mais il est vrai que toutes ces études se confrontent toujours à des problèmes récurrents :
Pour autant, et malgré toutes ces sources variables d’interprétation, il apparait que toutes les études publiées sont assez convergentes sur les chiffres annoncés.
Cela laisse à penser qu’elles traduisent bien la réalité d’un très grand nombre d’erreurs de diagnostic causant des décès en médecine.
On a beaucoup progressé avec les capacités méthodologiques d’identification des erreurs de diagnostic, notamment avec la méthode des Global trigger tools (algorithmes qui recherchent systématiquement les précurseurs potentiels d’erreurs médicales dans les dossiers médicaux électroniques).
On a moins progressé pour les éviter.
On se trouve au cœur du métier de médecin, et de sa plus grande difficulté, celle du diagnostic. Il est souvent pratiqué dans des conditions difficiles :
Ces points ne sont pas des excuses, mais ce sont assurément des raisons institutionnelles et structurelles qui ne peuvent pas s’améliorer rapidement. L’espoir repose maintenant beaucoup sur les nouvelles capacités d’aide informatique, notamment à base d’intelligence artificielle.
Les dix ans à venir et le déploiement à grande échelle de ces aides devraient apporter des éléments de réponse sur leur efficacité et commencer à se traduire dans les chiffres.